par Raymonde Folco
OPINION / Ebrahim Raïssi, élu président de la République d’Iran, a été investi le 3 août. Il est accusé par l’ONU et l’Amnesty international de graves violations des droits humains et les victimes réclament une enquête internationale. Le Canada doit soutenir les familles dans leur combat contre l’impunité.
Bien que la notion d’élection démocratique soit inexistante chez les mollahs, qui n’autorisent pas la participation des vrais opposants au régime théocratique, la récente élection s’est déroulée hors des normes habituels de la République islamique, le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, ayant décidé d’imposer son homme de main en écartant les factions de son propre régime. Le taux d’abstention record et de votes blancs sans précédent ont été les faits marquants de la récente parodie d’élection, qui a vu l’élimination des candidats plus « sérieux » et dit « modérés » de la course électorale.
Le nouveau président, qui remplacera le sortant Hassan Rohani, a été le choix du Guide à la fois en raison de sa docilité et de la brutalité de ses méthodes. Pour étouffer une société touchée par de graves crises économiques et sociales, un radical à la tête du pouvoir exécutif a été jugé nécessaire pour compléter l’emprise du dictateur qui a déjà installé deux ultra-conservateurs à la tête du pouvoir judiciaire et du parlement.
L’abstention, jugée historique, a marqué un changement de paradigme sur la scène politique iranienne : alors que le régime avait joué sur la rivalité des factions pour entraîner une partie de la population à miser sur une éventuelle réforme de l’intérieur, aujourd’hui il est devenu clair pour les Iraniens qu’il ne faut plus rien attendre de ce régime. Ali Khamenei a fait le choix d’un pouvoir monolithique en écartant les soi-disant modérés du jeu politique.
Ce jeu de dupe avait été habilement exploité par les dirigeants iraniens pour inciter leurs interlocuteurs occidentaux à céder aux caprices du régime et fermer les yeux sur ses méfaits, notamment en matière des droits humains, ses ingérences régionales déstabilisatrices et même ses programmes nucléaires et balistiques menaçants… toujours dans le chimérique espoir de voir un jour s’installer un modéré à la tête du pouvoir iranien.
L’élection de Raïssi présage une violence redoublée pour mater les velléités de liberté de la population. Les manifestations qui ont éclaté depuis deux semaines dans la province du Khouzistan, dans le sud-ouest de l’Iran, témoignent de la fébrilité d’une société qui a soif avant tout, de justice. La pénurie de l’eau, causé par l’incurie et la mauvaise gestion des autorités, a fait exploser la colère de la population, qui a reçu comme seule réponse une répression accrue, faisant jusqu’à ce jour une douzaine de morts parmi les manifestants.
La violence est le seul langage d’un pouvoir théocratique qui détient le record mondial du nombre d’exécutions par habitant. Cette culture de mort, le régime l’a cultivée depuis ses débuts. Profitant de l’impunité que leur a procuré l’inaction de la communauté internationale, les dirigeants iraniens ont écrasé dans le sang toute opposition à leur régime depuis 40 ans. En 1988, Ebrahim Raïssi a été l’un des quatre individus chargés par Khomeiny, le fondateur du régime théocratique, d’appliquer une fatwa visant à éliminer les prisonniers politiques qui restaient fidèles à leurs convictions. C’est ainsi que 30 000 prisonniers innocents ont été exécutés en quelques mois et les dépouilles enfouies secrètement dans des fosses communes éparpillées à travers le pays. La grande majorité étaient membres du mouvement d’opposition des Moudjahidines du Peuple, principale cible du décret religieux.
Les témoins rapportent le zèle mortifère avec lequel Raïssi s’est attelé à la sale besogne qui lui avait été confiée. Interrogé récemment sur son implication dans le massacre de masse, le nouveau président iranien n’a pas montré de remords et s’est dit fier d’avoir défendu la République islamique. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur les Droits de la Personne en Iran, Javaid Rehman, a estimé le 29 juin dernier qu’ « une enquête indépendante sur les allégations d’exécution par l’État de milliers de prisonniers politiques en 1988 », et sur le rôle joué par « Ebrahim Raïssi en tant que procureur adjoint de Téhéran est nécessaire (…) Nous aurons de très sérieuses préoccupations au sujet de ce président et du rôle qu’il aurait joué historiquement dans ces exécutions ».
Maintenant que l’arrogance et l’impunité du régime l’ont emmené à imposer un bourreau comme Raïssi à la présidence, les familles des victimes s’attendent à ce que les pays démocratiques prennent le leadership d’une initiative pour traduire en justice les responsables du massacre de 1988. Le Canada doit être au rendez-vous pour accompagner le peuple iranien dans ce tournant crucial de son combat pour la justice. L’antique pays compte sur l’amitié et la solidarité des démocrates du monde entier.
L'auteure, Raymonde Folco, est une ancienne députée du Parlement du Canada et co-préside le Comité des Amis canadiens d’un Iran démocratique
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