Monsieur Zeid Ra'ad
Al-Hussein
Haut-Commissaire des
Nations unies aux droits de l'homme
Je vous écris en tant que réfugiée
politique iranienne résidant en France. Je suis une ancienne détenue
politique et membre d’une famille de victimes du massacre des prisonniers
politiques de l’été 1988 en Iran.
J’ai été arrêtée en
septembre 1981 et condamnée à 20 ans de prison dans un simulacre de procès de 10
minutes.
Mon frère cadet Ahmad Raouf Bachari-doust
n’avait que 16 ans, en 1982, quand il a été arrêté chez nous, dans un raid des
gardiens de la révolution, pour avoir participé à des meetings des Moudjahidine
du peuple d’Iran (OMPI).
Vers la fin de 1982, après plusieurs
séries d’interrogatoires et de tortures, il a été condamné à 5 ans de prison et
incarcéré à la prison de Racht puis d’Evine à Téhéran et Gohardacht dans la
ville de Karadj. En mars 1988, pour la première fois, j’ai
reçu une lettre d’Ahmad. Il avait été libéré après presque six ans de prison et
cherchait à quitter le pays pour me rejoindre à l’étranger.
Quelques mois plus
tard, il a quitté la ville de Racht, mais il est tombé dans un piège des
services de renseignement du régime. Il a de nouveau été arrêté et emmené sous
la torture. Ahmad a été pendu sur ordre de Khomeiny comme plus de 30.000
prisonniers politiques exécutés dans le massacre de l’été 1988.
En 1991, les
agents des services de renseignement ont dit à mon père qu’ils l’avaient
exécuté dans la prison d’Oroumieh, dans le nord-ouest de l’Iran, mais ils n’ont
pas révélé où ils l’avaient enterré.
Monsieur Haut-Commissaire,
En 1988 après six
ans d’attente, alors que j’avais l’espoir de revoir mon cher frère, j’ai reçu la
nouvelle de son exécution. Vous pouvez imaginer mon immense peine, qui n’a
jamais cessé au bout de 29 ans. C’est une plaie ouverte qui saigne encore.
Après 29 ans, nous n’avons pas pu faire notre deuil, car les bourreaux n’ont ni
remis la dépouille de mon frère à ma famille, ni informé où il était enterré.
Après 29 ans, la justice n’est pas été rendue et les criminels sont encore aux
pouvoir en Iran.
Cela fait 29 ans que mon père cherche la tombe
de son fils, comme les parents de 30.000 autres victimes de ce crime contre
l’humanité commis par les mollahs en Iran sur ordre de Khomeiny durant l’été
1988.
Eté 2016, la
diffusion sur les réseaux sociaux d’une bande audio
bouleversante de la rencontre, le 15 août 1988, entre Montazeri, le dauphin
déchu de Khomeiny, et des membres de la «commission de la mort», a levé le
voile sur l’ampleur du massacre de 1988 en Iran.
L’ayatollah
Montazeri interpelle les responsables chargés du génocide : « Le plus grand
crime commis sous la République islamique, pour laquelle l’histoire nous
condamnera, a été commis par vous. Vos (noms) seront gravés dans les annales de
l’histoire comme des criminels.»
Quant aux membres
de la commission de la mort, ils n’ont toujours pas été punis et continuent
d’occuper des postes clés :
Le 8 aout, le président des mollahs Hassan
Rohani a nommé Alireza Avaï, un membre de la commission de la mort chargé du
massacre dans la province du Khouzistan, pour succéder à Mostafa Pour-Mohammadi
au poste de ministre de la Justice. Le prédecesseur de Avaï était aussi un membre de la « commission de
la mort » à Téhéran et dont la
voix figure dans l’enregistrement de Montazeri a déclaré à l’agence Tasnim du
28 aout 2016 : « Nous sommes fiers d’avoir appliqué le commandement divin
à l’égard des hypocrites (Moudjahidine du peuple)…». Nayyeri, un autre membre
de la commission de la mort, est actuellement à la tête de la Cour spéciale
chargée du clergé, et Raïssi a été nommé par le Guide suprême à la tête de la
puissante fondation Astan-e-Qods après avoir été procureur général…
Aujourd’hui le mouvement pour la justice en faveur de ces victimes prend de l’ampleur en Iran et ne lâchera pas les
mollahs. Cette
tragédie a installé un océan de sang entre la société iranienne et le régime
des mollahs. Des années ont passé. Mais la blessure de la société iranienne ne
s’est pas refermée: « ni oubli, ni pardon. » Et le chiffre 67 (équivalent de
l’année 88 dans le calendrier iranien) est devenu le nom de code de cette
injustice sanglante. les générations
qui sont nés après Mon frère Ahmad sont aujourd’hui en quête de la vérité et de la
justice pour les victimes du «plus
grand crime commis sous la République islamique » comme l’a dit le 15 août 1988 Hossein-Ali Montazeri, à l’époque successeur
de Khomeiny, à des membres de la « commission de la mort», chargé d’appliquer
le décret des exécutions massives.
Monsieur Haut-Commissaire,
Le moment n’est-il
pas venu de mettre fin à la machine de la mort et des exécutions en Iran ? En tant
que victime du régime des mollahs au nom du sang versé innocent, je vous
demande d’agir dans la fonction qui est la vôtre. Nous voulons que justice soit
faite. Vous pouvez, à la session actuelle de l’Assemblée générale de l’ONU
briser le silence sur ce massacre de l’été 1988 en Iran et le condamner avec
force dans votre intervention à la tribune, tout en demandant l’ouverture d’une
enquête.
Il est également
nécessaire de condamner ce massacre dans la résolution de l’Assemblée générale
de l’ONU. Les Nations Unies doivent
prendre les dispositions politiques et juridiques nécessaires en ce qui
concerne les poursuites internationales des dirigeants du régime pour ce crime
contre l’humanité.
Je suis prête à
témoigner devant toutes les instances juridiques et internationales.
Avec mes
remerciements, je vous prie d’agréer mes salutations respectueuses.
Mahsomeh Raouf
Ci-joint : photo
de mon frère Ahmad
Raouf Bachari-doust
Bravo pour cette belle initiative pour raviver le souvenir des martyrs de la liberté en Iran.
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