Il s’appelle Hamid Nouri. Il a été arrêté lors d’un voyage en Suède, sur dénonciation d’un proche qui venait de faire le lien avec son passé de tortionnaire et de bourreau. Depuis les témoins se pressent au parquet suédois pour porter plainte et réclamer justice. En leur nom et celui des milliers d’hommes et de femmes qu’il a suppliciés et envoyés à la mort. Par groupes entiers.
Ce passé sanguinaire lui a permis en Iran d’accéder à des responsabilités et de s’assurer un compte en banque conséquent.
L’occident ayant fermé les yeux sur ce crime
contre l’humanité dans lequel Nouri s’est impliqué corps et âme, si tant est
qu’un bourreau ait une âme. Jamais il ne s’est soucié d’une quelconque
arrestation dans ses déplacements en Europe. Pendant plus de 30 ans, l’impunité
allait de pair avec la complaisance des démocraties. Il n’a pas vu le vent
tourner. Il l’a rattrapé et envoyé en prison. Même de là il a cru qu’avec le
chantage habituel du régime iranien, il pourrait s’en sortir. Or le dossier
s’est tant épaissi, qu’il doit passer en jugement. Il avait tout prévu sauf que
le sang versé demanderait justice.
Akbar
Samadi, prisonnier politiques de 1981 à 1991 dans
son témoignage devant le procureur suédois, raconte : « Le 6 août
1988, Abdolreza Akbari-Monfared a été exécuté. C’était un de mes camarades de
classe et un adolescent. Il avait été arrêté avant le 20 juin 1981. Il avait
été condamné à un an au départ, mais a été détenu jusqu’en 1988 et exécuté le 6
août. Plusieurs fois, lorsque nous faisions du sport en groupe, une
cinquantaine de gardes se tenaient de part et d’autre avec des câbles
électriques et formaient un « tunnel » humain. Lorsque nous le
traversions, ils nous frappaient avec les câbles et nous emmenaient ensuite
dans une pièce sans ventilation. Nous l’avions appelée la chambre à gaz. On y
étouffait et on y perdait connaissance. Nous transpirions tellement que cela
créait des flaques parterre. Hamid Nouri
[alias Abbasi] était l’un de ces gardes notoires qui contrôlaient et
dirigeaient la répression et la torture des prisonniers. »
Des
brouettes de cordes épaisses
Un autre témoin Hassan Ashrafian, a été
arrêté en 1982 et condamné à douze ans de prison. Dans sa déposition, il a
déclaré :
« J’ai vu Hamid Nouri [alias Abbasi]
pour la première fois dans le hall 18 du quartier 2 de la prison de Gohardacht
en compagnie de Nasserian. Depuis le début de l’année 1987, les prisonniers
avaient été classés et déplacés en vue du massacre. Pendant cette période,
différents formulaires avaient été placés dans chaque quartier tous les
quelques jours, et les prisonniers devaient les remplir et les remettre au
gardien de la prison (ce formulaire devait permettre d’identifier les
prisonniers). A partir de la fin mai 1988, les journaux et les visites avaient
été interdits. Ils avaient également emporté la seule télévision qui se
trouvait dans le quartier.
« Le 30 juillet, en regardant par la
fenêtre d’une grande pièce où les sacs et les affaires des prisonniers étaient
conservés (nous l’appelions la salle des sacs et le régime l’appelait le
Hosseiniyeh, et elle était située au bout du quartier 3, Hall 19), nous avons
vu 5 à 6 gardiens de prison qui marchaient avec Davoud Lashkari, avec deux
prisonniers afghans en uniforme de prison portant deux brouettes contenant des
cordes épaisses. Ils se sont rendus dans un hangar où nous avons appris par la
suite que des exécutions avaient eu lieu les 30 et 31 juillet. Deux jours plus
tard, nous avons vu deux camions à travers la même fenêtre, dont l’un
transportait les corps des prisonniers exécutés. J’ai vu cette scène d’en haut
et à une distance maximale de 15 mètres. Après quelques minutes, le camion
s’est dirigé vers la porte de sortie de la prison. Un autre camion s’est
déplacé vers le lieu de l’exécution pour transporter les corps des autres
martyrs.
En janvier 1989, nous étions avec les
prisonniers dans la partie inférieure de la prison de Gohardacht. Hamid Nouri
est venu dans notre quartier avec plusieurs gardiens. Les prisonniers ont
commencé à se plaindre du manque de produits de première nécessité en prison.
Après cette protestation, quand il a vu que nous avions un espace de vie propre
et ordonné, il a dit : « Remerciez Dieu que si nous voulions appliquer
pleinement la fatwa (décret religieux) de l’imam (Khomeiny), nous aurions
exécuté la moitié du peuple iranien. Nous aurions dû exécuter tous ceux qui ont
lu un journal de l’OMPI. »
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