9 décembre 2020,
Un groupe d’expert.es des Nations unies
spécialisés dans les droits humains a adressé une communication au gouvernement
iranien pour le mettre en garde, soulignant que les violations passées et
actuelles liées aux massacres commis dans les prisons en 1988 étaient
susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité, et qu’ils
demanderaient une enquête internationale si ces violations perduraient, un
appel pressant à rendre des comptes qu’Amnesty international a salué ce
mercredi 9 décembre, veille de la Journée internationale des droits de
l’homme.
« Cette communication des expert.es des
Nations unies est une avancée capitale. Il s’agit une étape décisive pour le
combat de longue date que mènent les familles de victimes et les survivant.es,
avec le soutien d’organisations iraniennes de défense des droits humains et
d’Amnesty International, pour mettre un point final à ces crimes et obtenir
vérité, justice et réparation », a déclaré Diana Eltahawy, directrice
adjointe d’Amnesty International pour la région Afrique du Nord et
Moyen-Orient.
« Les éminents spécialistes en droits
humains des Nations unies font désormais passer un message sans équivoque et
attendu de longue date : les crimes persistants que sont les disparitions
forcées massives résultant des exécutions extrajudiciaires secrètes de 1988 ne
peuvent plus être passés sous silence et rester impunis », a ajouté Diana
Eltahawy.
Des décennies de crimes contre l’humanité
Entre fin juillet et début septembre 1988,
des milliers de dissident.es politiques emprisonnés un peu partout en Iran ont
été soumis à des disparitions forcées, puis exécutés extrajudiciairement en
secret.
Pendant plus de trente ans, les autorités
iraniennes ont systématiquement dissimulé les circonstances de leur mort et les
lieux où se trouvaient les corps, soumettant ainsi les victimes, à savoir les
personnes tuées et leurs familles survivantes, au crime de disparition forcée.
Dans leur communication de 18 pages, qui
a d’abord été transmise de manière privée au gouvernement iranien le
3 septembre 2020, les expert.es des Nations unies, en substance, se sont
dits vivement préoccupés par les informations faisant état du refus persistant
de révéler le sort réservé à ces personnes et le lieu où elles se trouvent.
Cette
communication des expert.es des Nations unies est une avancée capitale. Il
s’agit une étape décisive pour le combat de longue date que mènent les familles
de victimes et les survivant.es, avec le soutien d’organisations iraniennes de
défense des droits humains et d’Amnesty International, pour mettre un point
final à ces crimes et obtenir vérité, justice et réparation.
Diana
Eltahawy, directrice adjointe d’Amnesty International pour la région Afrique du
Nord et Moyen-Orient
Ils se sont également dits alarmés de
constater le refus des autorités de fournir aux familles des certificats de
décès précis et complets, la destruction de fosses communes, la persistance de
menaces et de harcèlement à l’égard des familles, l’absence d’enquêtes et de
poursuites relatives à ces homicides, ainsi que les déclarations des autorités
niant ou minimisant ces affaires et assimilant le fait de critiquer ces
homicides à un soutien au terrorisme.
La communication souligne que ces
disparitions forcées continuent dans les faits jusqu’à ce que le sort des
personnes concernées et le lieu où elles se trouvent aient été établi
Un appel au respect de l’obligation de rendre
des comptes
En conséquence de leur appel à l’ouverture
d’enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes sur tous les cas,
l’exhumation des dépouilles et leur restitution aux familles, l’identification
et la poursuite des auteurs présumés et l’octroi de réparations effectives aux
victimes, les expert.es des Nations unies spécialisés en droits humains ont
demandé à l’Iran des informations détaillées sur, entre autres :
- l’inscription ou non-inscription du nom des personnes exécutées dans
les registres publics des enterrements ;
- les mesures prises pour identifier, reconnaître, protéger et
commémorer les fosses communes profanées ;
- les données connues sur l’identité des personnes enterrées dans chaque
fosse commune ainsi que les données sur les personnes non
identifiées ;
- toute disposition visant à permettre aux familles d’honorer la mémoire
de leurs proches et de leur rendre hommage sur les sites
d’enterrement ;
- les dispositions juridiques visant à protéger les familles et les
défenseur.es des droits humains qui cherchent des renseignements sur le
sort des victimes de disparition forcée et sur le lieu où elles se
trouvent et qui demandent justice.
Les expert.es des Nations unies ont également
indiqué que si le gouvernement iranien continuait à refuser d’honorer ses
obligations au regard du droit international relatif aux droits humains, ils
appelleraient la communauté internationale à prendre des mesures pour enquêter
sur ces affaires, notamment en diligentant une enquête internationale.
Depuis la publication, en 2018, du rapport
d’Amnesty International intitulé Blood-soaked secrets: Why
Iran's 1988 prison massacres are ongoing crimes against humanity, l’organisation appelle le
Conseil des droits de l’homme des Nations unies à établir un mécanisme
international indépendant, impartial et efficace chargé de remédier à
l’impunité pour les crimes contre l’humanité et les autres crimes de droit
international identifiés dans ce rapport.
« L'analyse des expert.es des Nations
unies, par son ampleur et sa force, est une étape capitale par rapport aux
efforts que nous déployons actuellement pour amener le Conseil des droits de
l’homme des Nations unies à prendre des mesures afin de mettre un terme à
l’impunité pour ces crimes contre l’humanité passés et actuels », a
déclaré Diana Eltahawy.
Complément d’information
Les expert.es des Nations unies à l’origine
de la communication de
septembre 2020 sont : les membres du Groupe de travail sur
les disparitions forcées ou involontaires, la rapporteuse spéciale des Nations
unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, le
rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la
liberté d'association, le rapporteur spécial sur la situation des droits de
l’homme en République islamique d’Iran, la rapporteuse spéciale sur la
promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales
dans la lutte antiterroriste, le rapporteur spécial sur la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le rapporteur spécial
sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties
de non-répétition.
Amnesty International a recueilli des
éléments tendant à prouver l’implication dans les disparitions forcées et les
exécutions extrajudiciaires de plusieurs personnes qui occupent toujours des
postes de haut niveau, dont : le responsable actuel du pouvoir judiciaire,
Ebrahim Raisi, le ministre actuel de la Justice, Alireza Avaei, l’ancien
ministre de la Justice et conseiller actuel du responsable du pouvoir
judiciaire, Mostafa Pour Mohammadi, le président de la Cour suprême
disciplinaire des juges, Hossein Ali Nayyeri, et Mohamamd Hossein Ahmadi,
membre de l’Assemblée des experts, organe constitutionnel habilité à désigner
et révoquer le Guide spirituel d’Iran.
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