Déclaration écrite conjointe * présentée par Nonviolent Radical Party, Transnational and Transparty, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif général, Women's Human Rights International Association, Edmund Rice International Limited, organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif spécial, Association of World Citizens, International Educational Development, Inc., organisations non gouvernementales inscrites sur la liste
Le Secrétaire général a reçu la déclaration écrite ci-après, qui est distribuée conformément à la résolution 1996/31 du Conseil économique et social.
Nous demandons à la Haut-Commissaire des Nations
Unies Michelle Bachelet et aux Etats membres du Conseil des droits de l'homme
des Nations Unies de donner suite à l'appel récent de sept experts des droits
de l'homme des Nations Unies en créant une commission d'enquête sur le massacre
des prisonniers politiques en République islamique d'Iran en 1988.
Dans une lettre[1] datée du 3 septembre 2020 adressée aux
autorités iraniennes, les experts des droits de l'homme de l'ONU ont déclaré
que les massacres de 1988 « pourraient constituer des crimes contre
l'humanité ».
Les experts des
Nations unies étaient constitués par le président-rapporteur du groupe de
travail sur les disparitions forcées ou involontaires ; le rapporteur spécial
sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; le rapporteur
spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association ; le
rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République
islamique d'Iran ; le rapporteur spécial sur la promotion et la protection des
droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le
terrorisme ; le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants ; et le rapporteur spécial sur la
promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de
non-récurrence.
Leur lettre disait : « Entre juillet et
septembre 1988, les autorités iraniennes ont fait disparaître par la force et
exécuté de manière extrajudiciaire des milliers de dissidents politiques
affiliés à des groupes d'opposition politique, emprisonnés en secret dans 32
villes et se sont débarrassés de leurs corps, la plupart dans des fosses
communes non identifiées.
« Les familles des personnes disparues et
présumées tuées sont confrontées à une interdiction permanente d'organiser des
commémorations ou des événements commémoratifs.
« Les familles, les survivants et les
défenseurs des droits humains font également l'objet de menaces, de
harcèlement, d'intimidation et d'attaques persistantes en raison de leurs
tentatives de recherche d'informations sur le sort et le lieu où se trouvent
ces personnes et de leurs demandes de justice. Plusieurs défenseurs des droits humains
purgent des peines pour avoir participé à des rassemblements commémoratifs et
des familles ont été poursuivies sous de vagues accusations liées à la sécurité
nationale », ajoutait la lettre.
Les massacres
de 1988 sont des crimes contre l'humanité en continu
Les experts de l'ONU se sont dits « sérieusement
préoccupés par le refus persistant de révéler le sort et le lieu où se trouvent
des milliers de personnes qui auraient disparu par la force puis auraient été
exécutées extrajudiciairement en 1988. Nous sommes en outre alarmés par les
allégations de refus des autorités de fournir aux familles des certificats de
décès précis et complets, la destruction de fosses communes, les menaces et le
harcèlement constants des familles, l'absence d'enquête et de poursuites pour
les meurtres, et les déclarations du gouvernement niant ou banalisant les cas et
assimilant les critiques des meurtres à un soutien au terrorisme. »
« Nous soulignons qu'une disparition forcée
continue jusqu'à ce que le sort et le lieu où se trouve l'individu concerné
soient établis, indépendamment du temps écoulé, et que les membres de la
famille ont droit à la vérité, ce qui signifie le droit de connaître le
déroulement et les résultats d'une enquête, le sort ou le lieu où se trouvent
les personnes disparues, ainsi que les circonstances des disparitions et
l'identité du ou des auteurs (A/HRC/16/48) », ont souligné les experts des
Nations unies.
La fatwa émise
par le Guide suprême de l'Iran n'a jamais été annulée. Le 25 juillet 2019, dans
un entretien avec le magazine officiel Mosalas, Mostafa Pour-Mohammadi,
conseiller du chef du pouvoir judiciaire et ancien membre des commissions de la
mort, a pris la défense du massacre de 1988 et déclaré que les militants nouvellement
arrêtés de l'Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI ou MEK) - le
principal groupe visé par la fatwa de Khomeiny - risquaient la peine capitale.
L'impunité des
responsables iraniens doit cesser
« Il existe
une impunité systémique dont jouissent ceux qui ont ordonné et exécuté les
exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées », ont déclaré les
experts de l'ONU, ajoutant : « À ce jour, aucun responsable en Iran n'a
été traduit en justice et nombre des officiels impliqués continuent d'occuper
des postes de pouvoir, notamment dans les principaux organes judiciaires, de
poursuite et gouvernementaux chargés de veiller à ce que les victimes
obtiennent justice. »
Les experts de l'ONU ont déclaré que l'inaction
internationale au sujet du massacre de 1988 avait « encouragé » les
autorités iraniennes à « dissimuler le sort des victimes et à maintenir
une stratégie de déviation et de déni ».
Nous approuvons l'appel des experts de l'ONU à la
communauté internationale pour qu'elle « prenne des mesures pour enquêter
sur ces affaires, y compris par la mise en place d'une enquête internationale ».
Nous notons que cette lettre n'est qu'une des
nombreuses tentatives de la communauté internationale pour persuader les
autorités iraniennes de mettre fin aux entraves à l'établissement de leurs
responsabilités dans le massacre de 1988.
En 2017, la précédente rapporteuse spéciale sur la situation des droits de
l'homme en Iran, Asma Jahangir, a informé l'Assemblée générale [2] :
« Au cours des mois de juillet et août 1988,
des milliers de prisonniers politiques, d’hommes, de femmes et d’adolescents
auraient été exécutés à la suite d’une fatwa émise par le Guide suprême,
l’Ayatollah Khomeiny. Une commission composée de trois hommes aurait été créée
pour dresser la liste des personnes à exécuter (…) Les familles des victimes
ont le droit de connaître la vérité au sujet de ces événements et du sort de
leurs proches sans craindre de représailles. Elles ont le droit d’intenter une
action en justice, ce qui englobe notamment le droit à des investigations
efficaces pour établir les faits et à la divulgation de la vérité, et le droit
à réparation. »
Le 26 février 2018, le Secrétaire général António Guterres a déclaré au Conseil
des droits de l'homme[3]:
« Le HCDH
a continué de recevoir des lettres des familles des victimes qui ont été
exécutées sommairement ou ont disparu de force au cours des événements de 1988
(…) Le Secrétaire général demeure préoccupé par les difficultés rencontrées par
les familles pour obtenir des informations sur les événements de 1988 et par le
harcèlement de ceux qui continuent de demander des informations complémentaires
sur ces événements.»
Le
Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al
Hussein, a déclaré aux ONG le 9 mars 2018 :
« Le
massacre de 1988, les allégations de massacres en 1988, les exécutions
sommaires et les disparitions forcées de milliers de prisonniers politiques -
hommes, femmes et enfants - nous avons reçu beaucoup d’informations de votre
part (…) et des recommandations ont été faites aux autorités nationales
d’enquêter de manière indépendante et impartiale, bien sûr, compte tenu de
toute l’attention accordée à cette question par les familles des victimes.»
Dans sa déclaration nationale lors de la session
de mars 2018 du Conseil des droits de l'homme, l'Allemagne a appelé les
dirigeants iraniens à respecter le droit du peuple iranien à formuler ses
plaintes et ses exigences, y compris l'appel à une enquête sur les événements
de 1988 en garantissant les droits civils.
Le 18 novembre 2020, le représentant du Canada à
la Troisième Commission de l'ONU a demandé que les auteurs du massacre de 1988
soient tenus responsables.
Le 23 décembre 2020, le ministre britannique des
droits de l'homme, Lord Ahmad of Wimbledon, a exhorté les autorités de Téhéran
à autoriser le rapporteur spécial Javaid Rehman à se rendre dans le pays afin
qu'il puisse mener des recherches et des enquêtes, notamment sur le massacre de
1988.
Le 17 décembre 2020, le Parlement européen a voté
une résolution appelant l'Iran à libérer ceux qui réclament la vérité et la
justice pour les exécutions extrajudiciaires massives des années 1980.
Le 10 décembre 2020, le Département d'État
américain a approuvé l'appel des experts de l'ONU en faveur d'une enquête
internationale indépendante sur les disparitions massives et les exécutions
sommaires en Iran en 1988.
Amnesty International a également soutenu
publiquement l'appel des experts de l'ONU en faveur d'une enquête
internationale. En décembre 2020, elle a demandé au Conseil des droits de
l'homme des Nations unies d'établir un mécanisme international indépendant,
impartial et efficace pour lutter contre l'impunité des crimes contre
l'humanité commis lors du massacre de 1988. Le groupe a décrit le massacre de
1988 comme « des crimes contre l'humanité en continu ».
Les autorités iraniennes n'ont pas répondu aux experts
de l'ONU ni aux nombreux appels des membres de la communauté internationale. Au
lieu de cela, elles continuent de harceler et d'arrêter ceux qui, en Iran,
demandent des comptes, et elles ont récompensé les auteurs du massacre de 1988
en les promouvant à des postes élevés au sein du gouvernement et de l'appareil
judiciaire. Parmi les membres des commissions de la mort de 1988 figurent
l'actuel chef du pouvoir judiciaire, Ebrahim Raïssi, et le ministre de la
justice, Alireza Avaei.
Il est temps
de créer une commission d'enquête de l'ONU sur le massacre de 1988 en Iran
Les experts de l'ONU ont déclaré qu'ils étaient « extrêmement
préoccupés » par le fait que les autorités iraniennes n'aient jamais
enquêté sur le massacre de 1988, malgré les appels préalables du rapporteur
spécial de l'ONU.
Quatre mois après l'appel des experts de l'ONU, les autorités iraniennes
continuent de se dérober à leurs responsabilités.
La création d'une commission d'enquête mandatée par les Nations unies sur
le massacre de 1988 est attendue depuis longtemps. Afin de mettre fin à la
culture de l'impunité qui existe en Iran, nous demandons aux États membres du
Conseil des droits de l'homme de mettre en place une commission d'enquête pour
établir les faits du massacre et demander aux auteurs de rendre des comptes
pour les graves violations du droit international humanitaire et du droit
international des droits de l'homme.
En outre, nous pensons que la Haute Commissaire Michelle Bachelet a le
devoir fondamental d'initier la création d'une commission d'enquête sur le
massacre de 1988 en Iran. Nous encourageons le HCDH à agir sans précipitation
pour mettre fin à l'impunité des auteurs du plus grand crime contre l'humanité
commis en Iran.
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