“Mon père cherche encore la tombe de mon frère”
Une ancienne détenue politique et
membre de la Résistance raconte comment il y a 29 ans son frère cadet, Ahmad
Raouf, a disparu dans ce grand massacre qui n’a laissé que des charniers dont
le régime n’a toujours pas révélé les emplacements :
En mars 1988, j’ai reçu
une lettre d’Ahmad. Il avait été libéré et cherchait à quitter le pays pour
rejoindre l’OMPI. Quelques mois plus tard il quitte la ville de Racht pour
rejoindre le camp d’Achraf. Mais sans le savoir il tombe dans un piège des
services de renseignement. A mi-chemin, il est à nouveau arrêté et emmené sous
la torture. Moi j’attendais son arrivée. Des jours d’attente qui n’en
finissaient pas.
Quand j’ai lu les nouvelles sur
le massacre, j’ai décidé d’appeler mon père. Il m’a déclaré avec surprise : «
mais il n’est pas avec toi ? Il nous a dit adieu pour aller te voir. Mais s’il
n’est pas avec toi, alors ... ? »
Mon père avait deviné juste.
Après mon appel, il est allé de prison en prison à la recherche d’Ahmad, mais
il n’a rien trouvé. Ni nom, ni trace, ni tombe. Ahmad avait été pendu sur ordre
de Khomeiny comme les 30.000 prisonniers politiques exécutés dans ce massacre.
En 1991, les agents des services de renseignement ont dit à mon père qu’ils
l’avaient exécuté dans les prisons d’Oroumieh, dans le nord-est de l’Iran, mais
ne lui ont pas révélé où ils l’avaient enterré.
Il
y a 29 ans que mon père cherche la tombe de son fils, comme les parents de
30.000 autres victimes de ce crime contre l’humanité. Les responsables de ce
génocide n’ont toujours pas été punis et continuent de torturer et d’exécuter
en Iran. Il faut arrêter cette tuerie.
Traduire en
justice les responsables du massacre de 1988
Dans
une conférence de presse, le 4 août 2010, et en présence de témoins du massacre
de prisonniers politiques de 1988, le Comité international de Juristes en
défense des victimes du soulèvement en Iran (CIJ-Iran) a lancé un appel pour
que le Conseil de sécurité de l’ONU se saisisse du dossier et que les
responsables des massacres soient traduits en justice devant un tribunal
spécial international.
En
1988, sur une fatwa lancée par Khomeiny, des dizaines de milliers de
prisonniers politiques dont la plupart étaient des sympathisants des
Moudjahidine du peuple, ont été exécutés en quelques mois. Selon certaines
estimations concordantes, le nombre des prisonniers exécutés dépasse les 30
000.
Le
CIJ-Iran sous la présidence de Me William Bourdon a été constitué en juillet
2009 par des juristes et des avocats à travers le monde pour défendre les
victimes de la répression du soulèvement en Iran. Le CIJ-Iran constate que de
nombreux anciens prisonniers politiques qui ont échappé au massacre de 1988
sont à nouveau emprisonnés et certains, comme M. Jafar Kazemi, ont vu leur condamnation
à mort confirmée par les instances juridiques du régime iranien et se trouvent
dans les couloirs de la mort.
Lors
de cette conférence M. Mostafa Naderi, un des témoins qui a passé plus de 11
ans dans les prisons de Khomeiny, dont cinq années en cachot pour appartenance
à l’OMPI, a précisé : « A la prison d’Evine où 12.000 prisonniers politiques
étaient incarcérés, après ce massacre il n’en restait plus que 250 ».
M.
Naderi a énuméré quelques-uns des principaux responsables des comités de la
mort nommés par Khomeiny et toujours en poste de responsabilités sensibles. Il
s’agit de :
-
Ebrahim Raïssi, Procureur adjoint de Téhéran, actuellement numéro 2 du pouvoir
judiciaire
-
Mostafa Pour-Mohamadi, représentant du ministère des Renseignements dans le comité
de la mort, actuellement directeur de l’organisation des inspections.
-
Gholamhossein Mohseni Ejeï, représentant du juge suprême au sein du ministère
des renseignements, actuellement Procureur général.
-
Mohammad Moghisseh, directeur de la prison de Gohardacht et actuellement un des
juges qui ordonnent les condamnations à mort des manifestants du soulèvement de
2009.
M.
Naderi a souligné que le guide suprême Ali Khamenei était également impliqué
dans ce massacre. “Aujourd’hui le régime tente de supprimer les témoins de
ce génocide et de raser les endroits connus pour être les fosses communes où
les victimes sont enterrées comme à Khavaran au sud de Téhéran.”
Le
Dr Saleh Radjavi représentant du CNRI en France a également souligné la
nécessité de briser le silence autour de ce massacre et appelé les
gouvernements occidentaux à réagir à cet appel. Le Dr. Radjavi dont la soeur,
Monireh, a été exécutée durant ce massacre a précisé: “Monireh a été arrêtée
avec ses deux enfants parce qu’elle s’appelait Radjavi. Elle a été exécutée en
1988 pour le seul crime d’être la soeur de Massoud, le leader de la Résistance.”
Le bâtonnier Gilles
Paruelle et Me Bernard Dartevel membre du CIJ-Iran on développé les arguments
juridiques pour que le conseil de sécurité se saisisse de ce dossier. Ils ont
affirmé qu’en fonction de la jurisprudence existante sur le génocide en
Yougoslavie, au Rwanda et au Cambodge, le Conseil de Sécurité de l’ONU est
habilité à constituer un tribunal spécial pour traduire les responsables du
massacre de 1988 en Iran.
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